Monnaie de singe

Quand ils sont trop usés, ou mal assortis à ce qu'ils représentent, les mots finissent par laisser la place à d'autres. Pour cette raison, il faut être vigilant quand on parle de peuple au lieu de population (Le peuple ou la population ? ) ou de famille au lieu de foyer (Familles ou foyers recomposés ).

Il en va de même en matière monétaire. Abstraite (électronique), imprimée ou frappée sur un morceau de vil métal, la monnaie est un symbole. Même lorsqu'elle est en or, elle reste symbolique et dépend de la valeur que lui reconnaissent ceux qui en font usage.

Le dollar US a bénéficié, trop longtemps, du privilège d'être la monnaie "universelle". Cela a permis et permet encore aux Etats-Unis d'Amérique de vivre à crédit sur le reste du monde, avec la bénédiction tacite de leurs créanciers et celle, explicite, d'agences de notation qui mettent beaucoup de temps à se réveiller et plus encore à faire preuve de rigueur, de responsabilité et d'honnêteté.

Mais voilà que The Economist montre en première page une pièce qui risque de rouler dans un précipice. Un dollar ? Non, un euro. Pourtant, la zone euro correspond à la 1ère (ou à la 2e) économie du monde et elle vient de s'adjoindre un nouveau membre, l'Estonie. Pourtant, la dette de l'UE et de ses membres est bien plus basse que celle des Etats-Unis d'Amérique. Pourtant, la plongée de l'euro, par rapport aux autres monnaies de référence, est moins prononcée que celle du dollar.

Cela fait des mois, des années qu'on peut lire des attaques contre la monnaie européenne, spécialement dans les media anglo-saxons (comme par hasard) mais même, cet été, par un amusant feuilleton politique du "Monde" consacré à la fin de l'euro. A y réfléchir, difficile de ne pas songer que cette agressivité est celle d'une bête blessée : inéluctablement, le dollar sera remplacé par un panier de monnaies. Vu l'absence d'alternatives crédibles, ce panier pourrait bien s'appeler l'euro - futur monnaie universelle, si les institutions et les gouvernements européens parviennent à surmonter les remous actuels, qui sont largement affaire de manipulation et de perception... comme toute affaire monétaire.