Politique des quotas

Publié le par cassiano

« Unicuique suum », à chacun ce qui lui revient – en fonction de ses besoins, de ses mérites, ou encore de ce qu’il a hérité, reçu naturellement ou légalement... Cette définition classique de la justice distributive considère comme son sujet la personne humaine. Elle a pour corollaire l’impératif ne priver personne de ce qui lui revient, qu’il s’agisse des moyens de subsistance de base, du respect de ses droits et de son identité individuelle ou collective, ou encore de la préservation de sa sphère privée ou de ses biens. Cette vision classique de la justice est foncièrement humaniste. Elle va de pair avec l’égalité des chances et n’exclut en rien le progrès, puisque le suum, « ce qui revient à chacun », est susceptible d’augmenter et de se développer en même temps que l’avancement démocratique, technique ou culturel de la civilisation.

 

A cette vision s’opposent les tenants d’une égalité « réelle », préférée à l’égalité des chances. Ce n’est plus « unicuique suum », mais « unicuique idem » : à chacun la même chose. Toute inégalité de fait est perçue comme une injustice de droit. Fondamentalement, c’est une chimère : hormis les droits les plus fondamentaux (droits de l’homme), tous n’ont pas les mêmes aspirations ni les mêmes mérites. Même pour réaliser un droit fondamental, comme celui à la survie par une alimentation suffisante, il n’est pas besoin de la même portion pour un enfant ou un vieillard, pour un malade ou un bien portant.

 

Cependant, les tenant de l’égalité « réelle » n’en démordent pas, au moins sur un plan schématique. On ne revendiquera pas le droit de vote pour les nourrissons, ni la présence de toutes les classes d’âge dans un Parlement, mais on cherchera artificiellement à favoriser une clientèle frustrée, par un système de « discrimination positive », autrement dit par des quotas. Les quotas fausseront ainsi le mérite (dans le cas d’un recrutement sur dossier ou par concours) ou brideront la démocratie (dans le cas d’une élection).

 

Leurs bénéficiaires, qu’ils le veulent ou non, verront leurs mérites, s’il y en a, niés ou mis en doute. Le contraire même de ce qui se passe lorsque le membre d’un groupe sous-représenté parvient, à force de travail et de talent, à se hisser au sommet d’une hiérarchie. Cette forme d’égalité forcée est donc contraire à la dignité humaine, que l’on se trouve du côté des perdants (discriminés) ou des bénéficiaires (favorisés). Ce, qu’il s’agisse du groupe des femmes, de celui d’une minorité nationale ou d’autres groupes encore.

 

Certes, il y a encore une version pire de la politique des quotas. C’est la vision revancharde d’une justice « redistributive », qui cherche à compenser des injustices historiques. Après tant de siècles d’oppression, brimons, discriminons les descendants des oppresseurs ! Tyrannie de la majorité, souvent. Idée perverse de la responsabilité collective, qui plus est héritée historiquement. C’est là le drame qu’a vécu le Zimbabwe (ancienne Rhodésie) et que vit maintenant l’Afrique du Sud, par exemple. Cela provient du refus de considérer la personne humaine comme sujet de ses droits, à commencer par l’égalité – au profit du groupe ou de visions abstraites, d’abord idéologique et bientôt totalitaires.

Publié dans Droit et société

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